14 Şubat 2009 Cumartesi
Biographie rêvée...
Je suis née un jour de pluie. Et c'était un dimanche. Je m'en souviens, car je pleurais...
Et ce n'était pas à cause de la pluie. Mais parce que j'étais née sur cette Terre affreuse.
Ensuite, il y eut un grand brouillard et j'oubliai tout...
Il ne faut pas penser pour vouloir vivre. S'il arrive que l'on pense, c'est qu'on est bien
près de mourir. La vie est innocence, plus pure qu'une fille nue. Moi, je voudrais être
Pessoa qui, lui, fut un vrai poète. Lautréamont aussi, mais il plagiait. Parfois, je rêve
d'assassiner un éditeur ou deux... ou d'habiter une planète où il n'y aurait pas de portes.
Où seraient interdits les grands massacres des livres qu'on publie.
Je voudrais être née un jour de soleil et, jusqu'à l'impossible, sur une de ces planètes
où jamais personne ne parle d'astrologie. Je voudrais croire que je rêve. Que cette vie
est le cauchemar d'une autre. Et que c'est dans la mort que je vais m'éveiller. Que je rirai
bien alors de mes peurs du sommeil et de l'angoisse de vivre près des portes fermées.
Alors j'aurai sur une Terre splendide, le bonheur de vivre à côté de Pessoa. Nous
nous serons connus quelque part dans un rêve, entre deux cauchemars, que par pudeur
nous ne nous raconterons pas. Je le laisserai, lui, corriger mes phrases. Dans le port de
ses odes maritimes il me fera voir chacun de ses navires. Et nous parlerons ensemble de
partir, dans une de ces gares où ses poèmes attendent. Peut-être irons-nous jusqu'au
bureau de tabac, dire au patron que nous ne fumerons plus. Et la fumée de la vie nous
débarrassera de l'odeur de se battre et de perdre toujours.
Tranquillement nous irons dormir aux pieds du gardeur de troupeaux et plus jamais
Pessoa ne dira qu'il ne fut pas aimé. Ensemble nous marcherons sous la pluie, sans
qu'aucune de nos pensées nous dérangent. Nous verrons Alberto Caeiro, et Alvaro de
Campos de temps en temps. Un soir par-ci, par-là, nous irons chez Ricardo Reis et
nous saurons que la vraie vie est dans nos livres, que nous aurons écrits sur une planète
fragile où nos pas ne laissaient pas de traces à l'instant où nous passions.
Trop triste, de ne pas voir que nous étions séparés, un jour par hasard je t'ai lu - et
j'ai crié ton nom sur cette planète. Mais j'étais trop loin pour que tu m'entendes. J'ai
traversé le temps jusqu'à Lisbonne. Mais ce n'était pas assez, tu étais déjà mort. Dans
l'avion tu ne pouvais pas être, toi le gardeur de pensées dans les champs de l'univers.
J'aurais voulu sur ta tombe laisser parler les fleurs. Mais je sais que tu sais, que les
fleurs ne parlent pas. Les fleurs ne sont que des fleurs... alors les restes de Pessoa ne
sont que des restes... Je suis partie ailleurs pour te retrouver. Là où tu es, sous chacune
de tes phrases. Et tu m'as dit tant de choses que j'en fus éblouie.
Toi qui ne fus pas aimé, tu fus le plus grand séducteur. Car tu peux maintenant
« croquer la Terre entière ». Pourquoi suis-je née un jour de pluie ? bien moins beau
qu'un jour de soleil. Pourquoi avoir existés tous les deux ? Puisque tu portais déjà en toi
« tous les rêves du monde ».
Fernando Pessoa