8 Nisan 2008 Salı

Qu’est-ce que le terrorisme ? par J. Derrida


Entretiens avec deux grands intellectuels sur le « concept » du 11 septembre 2001

Qu’est-ce que le terrorisme ?

Giovanna Borradori. – Que le 11 septembre soit ou non un événement d’importance majeure, quel rôle assignez-vous à la philosophie ? Est-ce que la philosophie peut nous aider à comprendre ce qui s’est passé ?

J. D. – Sans doute un tel « événement » requiert-il une réponse philosophique. Mieux, une réponse qui remette en question, dans leur plus grande radicalité, les présuppositions conceptuelles les mieux ancrées dans le discours philosophique. Les concepts dans lesquels on a le plus souvent décrit, nommé, catégorisé cet « événement » relèvent d’un « sommeil dogmatique » dont ne peut nous réveiller qu’une nouvelle réflexion philosophique, une réflexion sur la philosophie, notamment sur la philosophie politique et sur son héritage. Le discours courant, celui des médias et de la rhétorique officielle, se fie trop facilement à des concepts comme celui de « guerre » ou de « terrorisme » (national ou international).

Une lecture critique de Carl Schmitt (1), par exemple, serait fort utile. D’une part, pour prendre en compte, aussi loin qu’il est possible, la différence entre la guerre classique (confrontation directe et déclarée entre deux Etats ennemis, dans la grande tradition du droit européen), la « guerre civile » et la « guerre des partisans » (dans ses formes modernes, encore qu’elle apparaisse, Schmitt le reconnaît, dès le début du XIXe siècle).

Mais, d’autre part, il nous faut aussi reconnaître, contre Schmitt, que la violence qui se déchaîne maintenant ne relève pas de la guerre (l’expression « guerre contre le terrorisme » est des plus confuses, et il faut analyser la confusion et les intérêts que cet abus rhétorique prétend servir). Bush parle de « guerre », mais il est bien incapable de déterminer l’ennemi auquel il déclare qu’il a déclaré la guerre. L’Afghanistan, sa population civile et ses armées ne sont pas les ennemis des Américains, et on n’a même jamais cessé de le répéter.

A supposer que « Ben Laden » soit ici le décideur souverain, tout le monde sait que cet homme n’est pas afghan, qu’il est rejeté par son pays (par tous les « pays » et par tous les Etats presque sans exception d’ailleurs), que sa formation doit tant aux Etats-Unis et surtout qu’il n’est pas seul. Les Etats qui l’aident indirectement ne le font pas en tant qu’Etats. Aucun Etat comme tel ne le soutient publiquement. Quant aux Etats qui hébergent (harbour) les réseaux « terroristes », il est difficile de les identifier comme tels.

Les Etats-Unis et l’Europe, Londres et Berlin sont aussi des sanctuaires, des lieux de formation et d’information pour tous les « terroristes » du monde. Aucune géographie, aucune assignation « territoriale » n’est donc plus pertinente, depuis longtemps, pour localiser l’assise de ces nouvelles technologies de transmission ou d’agression. (Soit dit trop vite et en passant, pour prolonger et préciser ce que je disais plus haut d’une menace absolue d’origine anonyme et non étatique, les agressions de type « terroriste » n’auraient déjà plus besoin d’avions, de bombes, de kamikazes : il suffit de s’introduire dans un système informatique à valeur stratégique, d’y installer un virus ou quelque perturbation grave pour paralyser les ressources économiques, militaires et politiques d’un pays ou d’un continent. Cela peut être tenté de n’importe où sur la terre, à un coût et avec des moyens réduits.)

Le rapport entre la terre, le territoire et la terreur a changé, et il faut savoir que cela tient au savoir, c’est-à-dire à la techno-science. C’est la techno-science qui brouille la distinction entre guerre et terrorisme. A cet égard, comparé aux possibilités de destruction et de désordre chaotique qui sont en réserve, pour l’avenir, dans les réseaux informatisés du monde, le « 11 septembre » relève encore du théâtre archaïque de la violence destinée à frapper l’imagination. On pourra faire bien pire demain, invisiblement, en silence, beaucoup plus vite, de façon non sanglante, en attaquant les networks informatiques dont dépend toute la vie (sociale, économique, militaire, etc.) d’un « grand pays », de la plus grande puissance du monde.

Un jour, on dira : le « 11 septembre », c’était le (« bon ») vieux temps de la dernière guerre. C’était encore de l’ordre du gigantesque : visible et énorme ! Quelle taille, quelle hauteur ! Il y a eu pire depuis, les nanotechnologies en tous genres sont tellement plus puissantes et invisibles, imprenables, elles s’insinuent partout. Elles rivalisent dans le micrologique avec les microbes et les bactéries. Mais notre inconscient y est déjà sensible, il le sait déjà et c’est ce qui fait peur.

Si cette violence n’est pas une « guerre » interétatique, elle ne relève pas non plus de la « guerre civile » ou de la « guerre des partisans », au sens défini par Schmitt, dans la mesure où elle ne consiste pas, comme la plupart des « guerres de partisans », en une insurrection nationale, voire en un mouvement de libération destiné à prendre le pouvoir sur le sol d’un Etat-nation (même si l’une des visées, latérale ou centrale, des réseaux « Ben Laden », c’est de déstabiliser l’Arabie saoudite, alliée ambiguë des Etats-Unis, et d’y installer un nouveau pouvoir d’Etat). Si même on persistait à parler de terrorisme, cette appellation couvre un nouveau concept et de nouvelles distinctions.

G. B. – Vous croyez qu’on peut marquer ces distinctions ?

J. D. – C’est plus difficile que jamais. Si on veut ne pas se fier aveuglément au langage courant, qui reste le plus souvent docile aux rhétoriques des médias ou aux gesticulations verbales du pouvoir politique dominant, il faut être très prudent quand on se sert des mots « terrorisme » et surtout « terrorisme international ». Qu’est-ce que la terreur, en premier lieu ? Qu’est-ce qui la distingue de la peur, de l’angoisse, de la panique ? Tout à l’heure, en suggérant que l’événement du 11 septembre n’était major que dans la mesure où le traumatisme qu’il a infligé aux consciences et aux inconscients ne tenait pas à ce qui s’était passé mais à la menace indéterminée d’un avenir plus dangereux que la guerre froide, est-ce que je parlais de terreur, de peur, de panique ou d’angoisse ?

La terreur organisée, provoquée, instrumentalisée, en quoi diffère-t-elle de cette peur que toute une tradition, de Hobbes à Schmitt et même à Benjamin, tient pour la condition de l’autorité de la loi et de l’exercice souverain du pouvoir, pour la condition du politique même et de l’Etat ? Dans le Léviathan, Hobbes ne parle pas seulement de « fear » mais de « terrour ». Benjamin dit de l’Etat qu’il tend à s’approprier, par la menace, précisément, le monopole de la violence. On dira, certes, que toute expérience de la terreur, même si elle a une spécificité, n’est pas nécessairement l’effet d’un terrorisme. Sans doute, mais l’histoire politique du mot « terrorisme » dérive largement de la référence à la Terreur révolutionnaire française, qui fut exercée au nom de l’Etat et qui supposait justement le monopole légal de la violence.

Si on se réfère aux définitions courantes ou explicitement légales du terrorisme, qu’y trouve-t-on ? La référence à un crime contre la vie humaine en violation des lois (nationales ou internationales) y implique à la fois la distinction entre civil et militaire (les victimes du terrorisme sont supposées être civiles) et une finalité politique (influencer ou changer la politique d’un pays en terrorisant sa population civile). Ces définitions n’excluent donc pas le « terrorisme d’Etat ». Tous les terroristes du monde prétendent répliquer, pour se défendre, à un terrorisme d’Etat antérieur qui, ne disant pas son nom, se couvre de toutes sortes de justifications plus ou moins crédibles.

Vous connaissez les accusations lancées, par exemple et surtout, contre les Etats-Unis soupçonnés de pratiquer ou d’encourager le terrorisme d’Etat. D’autre part, même pendant les guerres déclarées d’Etat à Etat, dans les formes du vieux droit européen, les débordements terroristes étaient fréquents. Bien avant les bombardements plus ou moins massifs des deux dernières guerres, l’intimidation des populations civiles était un recours classique. Depuis des siècles.

Il nous faut également dire un mot de l’expression « terrorisme international » qui alimente les discours politiques officiels partout dans le monde. Elle se trouve aussi mise en œuvre dans de nombreuses condamnations officielles de la part des Nations unies. Après le 11 septembre, une majorité écrasante des Etats représentés à l’ONU (peut-être même l’unanimité, je ne me rappelle plus, cela reste à vérifier) a condamné, comme elle l’avait fait plus d’une fois au cours des dernières décennies, ce qu’elle appelle le « terrorisme international ».

Or, au cours d’une séance transmise à la télévision, M. Kofi Annan a dû rappeler au passage de nombreux débats antérieurs. Au moment même où ils s’apprêtaient à le condamner, certains Etats avaient dit leurs réserves sur la clarté de ce concept de terrorisme international et des critères qui permettent de l’identifier. Comme pour beaucoup de notions juridiques dont les enjeux sont très graves, ce qui reste obscur, dogmatique ou pré-critique dans ces concepts n’empêche pas les pouvoirs en place et dits légitimes de s’en servir quand cela leur paraît opportun.

Au contraire, plus un concept est confus, plus il est docile à son appropriation opportuniste. C’est d’ailleurs à la suite de ces décisions précipitées, sans débat philosophique au sujet du « terrorisme international » et de sa condamnation, que l’ONU a autorisé les Etats-Unis à utiliser tous les moyens jugés opportuns et appropriés par l’administration américaine pour se protéger devant ledit « terrorisme international ».

Sans remonter trop loin en arrière, sans même rappeler, comme on le fait souvent, et à juste titre, ces temps-ci, que des terroristes peuvent être loués comme des combattants de la liberté dans un contexte (par exemple dans la lutte contre l’occupant soviétique en Afghanistan) et dénoncés comme des terroristes dans un autre (souvent les mêmes combattants, avec les mêmes armes, aujourd’hui), n’oublions pas la difficulté que nous aurions à décider entre le « national » et l’« international » dans le cas des terrorismes qui ont marqué l’histoire de l’Algérie, de l’Irlande du Nord, de la Corse, d’Israël ou de la Palestine.

Personne ne peut nier qu’il y a eu terrorisme d’Etat dans la répression française en Algérie, entre 1954 et 1962. Puis le terrorisme pratiqué par la rébellion algérienne fut longtemps considéré comme un phénomène domestique tant que l’Algérie était censée faire partie intégrante du territoire national français, tout comme le terrorisme français d’alors (exercé par l’Etat) se présentait comme une opération de police et de sécurité intérieure. C’est seulement des décennies plus tard, dans les années 1990, que le Parlement français a conféré rétrospectivement le statut de « guerre » (donc d’affrontement international) à ce conflit, afin de pouvoir assurer des pensions aux « anciens combattants » qui les réclamaient.

Que révélait donc cette loi ? Eh bien, il fallait et on pouvait changer tous les noms utilisés jusqu’alors pour qualifier ce qu’auparavant on avait pudiquement surnommé, en Algérie, les « événements », justement (faute encore une fois, pour l’opinion publique populaire, de pouvoir nommer la « chose » adéquatement). La répression armée, comme opération de police intérieure et terrorisme d’Etat, redevenait soudain une « guerre ».

De l’autre côté, les terroristes étaient et sont désormais considérés dans une grande partie du monde comme des combattants de la liberté et des héros de l’indépendance nationale. Quant au terrorisme des groupes armés qui ont imposé la fondation et la reconnaissance de l’Etat d’Israël, était-il national ou international ? Et celui des divers groupes de terroristes palestiniens aujourd’hui ? Et les Irlandais ? Et les Afghans qui se battaient contre l’Union soviétique ? Et les Tchétchènes ?

A partir de quel moment un terrorisme cesse-t-il d’être dénoncé comme tel pour être salué comme la seule ressource d’un combat légitime ? Ou inversement ? Où faire passer la limite entre le national et l’international, la police et l’armée, l’intervention de « maintien de la paix » et la guerre, le terrorisme et la guerre, le civil et le militaire sur un territoire et dans les structures qui assurent le potentiel défensif ou offensif d’une « société » ? Je dis vaguement « société » parce qu’il y a des cas où telle entité politique, plus ou moins organique et organisée, n’est ni un Etat ni totalement an-étatique, mais virtuellement étatique : voyez ce qu’on appelle aujourd’hui la Palestine ou l’Autorité palestinienne.

Jacques Derrida.

http://www.monde-diplomatique.fr/2004/02/DERRIDA/11005


Qu’est-ce que le terrorisme ? par J. Habermas


Entretiens avec deux grands intellectuels sur le « concept » du 11 septembre 2001

Qu’est-ce que le terrorisme ?

Giovanna Borradori – Qu’entendez-vous au juste par terrorisme ? Peut-on sensément distinguer un terrorisme national d’un terrorisme global ?

J. H. – Dans une certaine mesure, le terrorisme des Palestiniens reste un peu un terrorisme à l’ancienne. Ici, il s’agit de tuer, d’assassiner ; le but est d’annihiler de manière aveugle des ennemis, femmes et enfants compris. C’est la vie contre la vie. Il est différent à cet égard du terrorisme pratiqué sous la forme paramilitaire de la guérilla, qui a déterminé le visage de nombreux mouvements de libération dans la seconde partie du XXe siècle, et qui marque encore aujourd’hui, par exemple, la lutte d’indépendance des Tchétchènes. Face à cela, le terrorisme global, qui a culminé dans l’attentat du 11 septembre 2001, porte les traits anarchistes d’une révolte impuissante en ce qu’il est dirigé contre un ennemi qui, dans les termes pragmatiques d’une action obéissant à une finalité, ne peut absolument pas être vaincu. Le seul effet possible est d’instaurer dans la population et auprès des gouvernements un sentiment de choc et d’inquiétude. D’un point de vue technique, la grande sensibilité de nos sociétés complexes à la destructivité offre des occasions idéales à une rupture ponctuelle des activités courantes, capable d’entraîner à moindres frais des dégâts considérables. Le terrorisme global pousse à l’extrême deux aspects : l’absence de buts réalistes et la capacité à tirer son profit de la vulnérabilité des systèmes complexes.

G. B. – Doit-on distinguer le terrorisme des crimes habituels et des autres formes de recours à la violence ?

J. H. – Oui et non. Du point de vue moral, un acte terroriste, quels que soient ses mobiles et quelle que soit la situation dans laquelle il est perpétré, ne peut être excusé en aucune façon. Rien n’autorise qu’on « tienne compte » des finalités que quelqu’un s’est données pour lui-même pour ensuite justifier la mort et la souffrance d’autrui. Toute mort provoquée est une mort de trop. Mais, d’un point de vue historique, le terrorisme entre dans des contextes bien différents de ceux dont relèvent les crimes auxquels a affaire le juge pénal. Il mérite, à la différence du crime privé, un intérêt public et requiert un autre type d’analyse que le crime passionnel. D’ailleurs, si tel n’était pas le cas, nous ne mènerions pas cet entretien.

La différence entre le terrorisme politique et le crime habituel est particulièrement évidente lors de certains changements de régime qui portent au pouvoir les terroristes d’hier et en font des représentants respectés de leur pays. Il reste qu’une telle transformation politique ne peut être escomptée que pour des terroristes qui, d’une manière générale, poursuivent avec réalisme des buts politiques compréhensibles et qui, eu égard à leurs actes criminels, peuvent tirer de la nécessité dans laquelle ils étaient de sortir d’une situation d’injustice manifeste, une certaine légitimation. Or, je ne peux aujourd’hui imaginer aucun contexte qui permettrait de faire un jour du crime monstrueux du 11 septembre un acte politique aussi peu compréhensible que ce soit, et qui puisse être, à un titre ou à un autre, revendiqué.

G.B.–Croyez-vous que ce fut une bonne chose d’interpréter cet acte comme une déclaration de guerre ?

J. H. – Même si le mot « guerre » est moins sujet à quiproquo et, d’un point de vue moral, moins sujet à contestation que le discours évoquant la « croisade », la décision de Bush d’en appeler à une « guerre contre le terrorisme » m’apparaît être une lourde erreur, tant du point de vue normatif que du point de vue pragmatique. Du point de vue normatif, en effet, il élève ces criminels au rang de guerriers ennemis et, du point de vue pragmatique, il est impossible de faire la guerre – si tant est qu’on doive conserver à ce terme un quelconque sens défini – à un « réseau » qu’on a toutes les peines du monde à identifier.

G. B. – S’il est vrai que l’Occident doit développer dans son rapport aux autres civilisations une sensibilité plus grande et qu’il doit se montrer plus autocritique, comment devrait-il s’y prendre ? Vous parlez, à cet égard, de « traduction » et de la recherche d’un « langage commun ». Qu’entendez-vous par là ?

J. H. – Depuis le 11 septembre, je ne cesse de me demander si, au regard d’événements d’une telle violence, toute ma conception de l’activité orientée vers l’entente – celle que je développe depuis la Théorie de l’agir communicationnel – n’est pas en train de sombrer dans le ridicule. Certes, même au sein des sociétés plutôt riches et paisibles de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), nous vivons aussi confrontés à une certaine violence structurelle – à laquelle d’ailleurs nous nous sommes habitués et qui est faite d’inégalités sociales humiliantes, de discriminations dégradantes, de paupérisation et de marginalisation. Or, précisément, dans la mesure même où nos relations sociales sont traversées par la violence, par l’activité stratégique et par la manipulation, nous ne devrions pas laisser échapper deux autres faits.

Il y a, d’une part, que les pratiques qui constituent notre vie avec d’autres, au quotidien, reposent sur le socle solide d’un fonds commun de convictions, d’éléments que nous percevons comme des évidences culturelles, et d’attentes réciproques. Dans ce contexte, nous coordonnons nos actions à la fois en recourant aux jeux du langage ordinaire, et en élevant les uns à l’égard des autres des exigences de validité que nous reconnaissons au moins de manière implicite – c’est ce qui constitue l’espace public des raisons bonnes ou moins bonnes. Or cela explique, d’autre part, un second fait : lorsque la communication est perturbée, lorsque la compréhension ne se réalise pas ou mal, ou lorsque la duplicité ou la duperie s’en mêlent, des conflits apparaissent qui, si leurs conséquences sont suffisamment douloureuses, sont déjà tels qu’ils atterrissent chez le thérapeute ou devant le tribunal.

La spirale de la violence commence par une spirale de la communication perturbée qui, via la spirale de la défiance réciproque incontrôlée, conduit à la rupture de la communication. Si, donc, la violence commence par des perturbations dans la communication, une fois qu’elle a éclaté on peut savoir ce qui est allé de travers et ce qui doit être réparé.

C’est un point de vue trivial ; il me semble, pourtant, qu’on peut l’adapter aux conflits dont vous parlez. L’affaire est certes plus compliquée parce que les nations, les formes de vie et les civilisations sont d’entrée de jeu plus éloignées les unes des autres et tendent à rester étrangères les unes aux autres. Elles ne se rencontrent pas comme les membres d’un cercle, d’un groupe, d’un parti ou d’une famille qui ne peuvent être rendus étrangers les uns aux autres que si la communication est systématiquement déformée.

Dans les relations internationales, en outre, le médium du droit, dont la fonction est de contenir la violence, ne joue, comparativement, qu’un rôle secondaire. Et dans les relations interculturelles, il ne sert au mieux qu’à créer des cadres institutionnels visant à accompagner formellement les recherches d’entente – par exemple, la conférence de Vienne sur les droits de l’homme organisée par les Nations unies. Ces rencontres formelles – aussi importante que soit la discussion interculturelle qui se mène à divers niveaux à propos de l’interprétation disputée des droits de l’homme – ne peuvent pas à elles seules interrompre la machine à fabriquer les stéréotypes.

Faire qu’une mentalité s’ouvre est une affaire qui passe plutôt par la libéralisation des relations et par une levée objective de l’angoisse et de la pression. Dans la pratique quotidienne de communication, il faut que se constitue un capital-confiance. Cela est nécessaire en préalable pour que les explications raisonnées et à grande échelle soient relayées dans les médias, les écoles et les familles. Il faut aussi qu’elles portent sur les prémisses de la culture politique concernée.

En ce qui nous concerne, la représentation normative que nous avons de nous-mêmes eu égard aux autres cultures est également, dans ce contexte, un élément important. Si l’Occident entreprenait de réviser l’image qu’il a de lui-même, il pourrait, par exemple, apprendre ce qu’il faut modifier dans sa politique pour que celle-ci puisse être perçue comme un pouvoir capable de donner forme à une démarche civilisatrice. Si l’on ne dompte pas politiquement le capitalisme, qui n’a plus aujourd’hui ni limites ni frontières, il sera impossible d’avoir prise sur la stratification dévastatrice de l’économie mondiale.

Il faudrait au moins contrebalancer dans ses conséquences les plus destructrices – je pense à l’avilissement et à la paupérisation auxquels sont soumis des régions et des continents entiers – la disparité entraînée par la dynamique du développement économique. Ce qu’il y a derrière cela, ce n’est pas seulement, par rapport aux autres cultures, la discrimination, l’humiliation et la dégradation. Derrière le thème du « choc des civilisations », ce que l’on cache, ce sont les intérêts matériels manifestes de l’Occident (par exemple, celui de continuer à disposer des ressources pétrolières et à garantir son approvisionnement énergétique).

Jürgen Habermas.

http://www.monde-diplomatique.fr/2004/02/HABERMAS/11007

Puissance américaine, faiblesse européenne


Puissance américaine, faiblesse européenne, par Robert Kagan

LE MONDE | 26.07.02 | 13h07

Il faut cesser de faire comme si Américains et Européens avaient une vision commune du monde, voire comme s'ils vivaient sur la même planète. Sur la question capitale de la puissance (quelle est son efficacité ? est-elle morale ? faut-il y aspirer ?), les points de vue divergent. L'Europe est en train de se détourner de la puissance ou, plus exactement, elle se dirige vers un au-delà de la puissance, vers un monde bien distinct de l'autre, où règnent la loi, la réglementation, la négociation et la coopération entre nations : en somme, elle est en train d'accéder au paradis post-historique où tout n'est qu'apaisement et prospérité, à l'idéal kantien de "paix perpétuelle".

Les Etats-Unis, en revanche, restent embourbés dans l'histoire, déployant leur puissance dans le monde anarchique décrit par Hobbes, où l'on ne peut se fier aux lois et règles internationales, et où la véritable sécurité ainsi que la défense et la promotion d'un ordre libéral dépendent toujours de la possession de la puissance militaire et de son utilisation.

C'est ce qui explique qu'aujourd'hui, sur les grandes questions stratégiques et internationales, les Américains sont des habitants de Mars et les Européens de Vénus : ils ne sont que très rarement d'accord entre eux et se comprennent de moins en moins.

En tant qu'Américain vivant en Europe, il m'est plus aisé de percevoir cette opposition. Les Européens sont plus conscients qu'auparavant de l'aggravation des différences, sans doute parce qu'ils les redoutent de plus en plus (...). Selon eux, les Etats-Unis sont plus prompts à utiliser la force et moins patients que l'Europe dans le recours à la diplomatie. Les Américains croient volontiers que le monde est divisé en bons et méchants, amis et ennemis, alors que, selon l'Europe, le tableau est bien plus complexe. Face à des adversaires réels ou potentiels, les Américains préféreraient la coercition à la persuasion, le bâton à la carotte. Dans les affaires internationales, ils penseraient en termes de résultats définitifs : les problèmes doivent être résolus, les menaces éliminées. Enfin, les Américains seraient de plus en plus enclins à agir unilatéralement, et de moins en moins favorables aux actions entreprises sous l'égide d'institutions internationales comme l'ONU, ou à la coopération avec d'autres nations pour atteindre des objectifs communs, ils seraient plus sceptiques sur les bienfaits du droit international et préféreraient agir en dehors de lui quand ils l'estiment indispensable, voire simplement avantageux.

Quant à leur propre approche des problèmes, les Européens se plaisent à dire qu'elle est plus nuancée et plus habile : eux cherchent à influencer l'autre, indirectement, subtilement. Ils supporteraient mieux l'échec, et manifesteraient une plus grande patience quand la solution tarde à venir. Leurs préférences vont avant tout aux solutions pacifiques, à la négociation plutôt qu'à la coercition. Ils en appellent plus volontiers au droit international, aux accords internationaux et à l'opinion internationale pour juger les contentieux. Ils cherchent à utiliser les liens commerciaux et économiques pour lier les nations les unes aux autres (...). En dépit de ce que pensent de nombreux Européens et certains Américains, ces différences de culture stratégique ne sont pas une émanation naturelle du tempérament national des deux côtés de l'océan. Après tout, l'attitude pacifique que les Européens mettent aujourd'hui en avant est, du point de vue historique, tout à fait nouvelle. Elle est en rupture totale avec la culture stratégique opposée qui a dominé l'Europe pendant quatre siècles, et au moins jusqu'à la première guerre mondiale. Les gouvernements européens (sans oublier les peuples) qui se sont lancés avec enthousiasme dans ce conflit embrasant tout un continent étaient des partisans déclarés de la Machtpolitik. Alors que les racines de l'actuelle vision européenne de la politique internationale (comme les racines de l'Union européenne elle-même) remontent aux Lumières, la politique des grandes puissances de l'Europe pendant trois cents ans n'a guère suivi les préceptes visionnaires des philosophes et des physiocrates.

De même, dans le cas des Etats-Unis, ni leur actuelle insistance sur le rôle de la force dans les relations internationales ni leur goût prononcé pour l'unilatéralisme ou leur répugnance à signer des accords internationaux ne sont le fruit d'une longue tradition. Les Américains sont eux aussi des enfants de la pensée des Lumières, et, dans les premiers temps de leur indépendance, ils se sont montrés d'ardents apôtres de son credo. Les dirigeants américains du XVIIIe et du XIXe siècles tenaient un langage très voisins de celui des Européens d'aujourd'hui (...). Deux siècles plus tard, Américains et Européens ont échangé leurs statuts et leurs points de vue. Cela s'explique en partie par la spectaculaire modification de la géographie du pouvoir intervenue au XXe siècle : auparavant, quand les Etats-Unis n'étaient pas une grande puissance, ils prônaient la recherche d'accommodements, ce qui est la stratégie du faible. Aujourd'hui qu'ils sont les plus forts, ils se comportent comme les grandes puissances l'ont toujours fait. Quand les grandes puissances européennes dominaient la scène, elles affichaient un culte de la force et de la gloire des armes. Aujourd'hui, l'Europe voit le monde avec les yeux du faible (...). En constituant une unique entité politique et économique (exploit historique du traité de Maastricht en 1992), nombre d'Européens espéraient bien renouer avec la grandeur passée de l'Europe, mais sous une forme politique d'un nouveau type : l'" Europe" allait devenir la seconde superpuissance, non seulement économiquement et politiquement, mais aussi militairement ; elle réglerait les crises survenant sur son continent, tels les conflits ethniques dans les Balkans, et retrouverait un rôle de premier plan sur la scène internationale. Dans les années 1990, les Européens pouvaient affirmer avec confiance que la puissance d'une Europe unie finirait par restaurer cette "multipolarité" que la fin de la guerre froide avait détruite. Et la plupart des Américains, avec des sentiments mélangés, acceptaient cette idée d'une superpuissance européenne en voie de constitution. De Harvard, Samuel P. Huntington prédisait que la création de l'Union européenne serait le maillon le plus important de la réaction mondiale à l'hégémonie américaine et ferait du XXIe siècle une époque véritablement "multipolaire".

Mais ces prétentions européennes, comme les appréhensions américaines, se sont révélées infondées. Les années 1990 ont vu non pas l'ascension de l'Europe vers un statut de superpuissance mais la mise à nu de sa relative faiblesse. Au début de la décennie, le conflit en Bosnie-Herzégovine a révélé l'incapacité militaire de l'Europe et son impuissance politique ; à la fin de la décennie, le conflit du Kosovo a mis en pleine lumière l'infériorité européenne en matière de technique militaire et de capacité à mener une guerre moderne, laquelle ne pouvait aller qu'en se creusant. (...) Dans le meilleur des cas, son rôle se limitait à fournir des troupes pour le maintien de l'ordre après que les Etats-Unis, avec leurs seules forces ou presque, avaient mené à bien les phases militaires décisives de l'opération et stabilisé la situation. Comme le disaient certains en Europe, il y avait division du travail entre les Etats-Unis, qui "faisaient le dîner", et les Européens, qui "faisaient la vaisselle".

Cette incapacité n'aurait pas dû être une surprise puisque c'était cette réduction de puissance qui avait contraint l'Europe à perdre de son influence internationale dès l'après-guerre. Ceux des Américains et des Européens qui assignaient à l'Europe la mission d'étendre son rôle stratégique au-delà de ses frontières lui fixaient un objectif déraisonnable. Au cours de la guerre froide, le rôle stratégique de l'Europe avait été de pourvoir à sa propre défense. Il était irréaliste de penser qu'elle pourrait retrouver un statut de superpuissance, à moins que les populations européennes ne soient prêtes à amputer fortement les programmes d'aide sociale au profit des programmes militaires. Or il était clair qu'elles ne le souhaitaient pas du tout. Non seulement les Européens n'étaient pas prêts à payer pour retrouver une capacité d'intervention militaire hors d'Europe, mais, après la fin de la guerre froide, ils se refusaient même à financer une force militaire suffisante pour conduire des opérations sur leur propre continent sans l'aide des Américains. (...) En moyenne, les budgets de la défense des Etats européens sont passés en dessous de 2 % du PIB. (...) De l'autre côté de l'Atlantique, la fin de la guerre froide avait eu des conséquences très différentes, même si les Américains comptaient bien, eux aussi, encaisser quelques dividendes de la paix. -Aujourd'hui- l'actuelle puissance militaire américaine et notamment sa capacité à intervenir en n'importe quel point du globe sont sans aucun précédent dans l'histoire. (...) Cette soudaine " unipolarité" a donc eu une conséquence totalement prévisible : les Etats-Unis ont montré de plus en plus d'inclination à utiliser leur force militaire à l'étranger. Puisqu'il n'y avait désormais plus d'URSS pour freiner, l'Amérique était libre d'intervenir où elle le voulait et quand elle le voulait. (...) La fin de la guerre froide, en accroissant l'écart, a exacerbé les désaccords. Contrairement à l'opinion répandue qui voudrait que les tensions entre l'Europe et l'Amérique aient commencé avec l'entrée en fonctions de George W. Bush en janvier 2001, elles étaient déjà patentes sous Clinton et remontent même à la présidence de George H. W. Bush.

Ce désaccord naturel entre les forts et les faibles, constant dans l'histoire, se retrouve aujourd'hui dans la querelle sur l'unilatéralisme entre les deux rivages de l'Atlantique. Les Européens sont convaincus que leur hostilité à l'unilatéralisme américain est la preuve de la supériorité de leur conception idéale de l'ordre mondial à créer, et ils ne sont guère prêts à admettre que ce rejet de l'unilatéralisme est aussi dicté par leur intérêt. Ce que les Européens redoutent dans l'unilatéralisme américain, c'est qu'il perpétue un monde hobbésien, où eux-mêmes risquent de devenir de plus en plus vulnérables. L'hégémonie américaine est peut-être bienveillante, mais aussi longtemps que ses actes retardent la création d'un ordre mondial garantissant davantage la sécurité des pays plus faibles, elle est objectivement dangereuse. C'est là une des raisons pour lesquelles, ces dernières années, un des principaux objectifs de la politique étrangère de l'Union a été, selon la formule d'un observateur européen, de "multilatéraliser" l'Amérique. Non que les Européens soient en passe de monter une coalition contre l'hégémonie américaine (comme Huntington et bien des théoriciens de la Realpolitik le soutiennent) en se dotant d'une puissance militaire qui puisse égaler la sienne : ils n'en font rien. Leur tactique, comme leur objectif, est celle des faibles : ils espèrent contenir la puissance de l'Amérique sans avoir à déployer des moyens égaux. Selon une tactique qui pourrait bien être l'exploit suprême de l'attaque oblique, ils cherchent à maîtriser le monstre en faisant appel à sa conscience.

usqu'ici, la tactique s'est révélée judicieuse. Car les Etats-Unis sont un monstre doté d'une conscience. Rien à voir avec la France de Louis XIV ou l'Angleterre de George III. Même entre eux, les Américains ne justifient jamais leurs actes par la raison d'Etat. Les Américains n'ont jamais accepté les principes de l'ancien ordre européen ni adopté les idées de Machiavel. Les Etats-Unis sont jusqu'au bout des ongles une société libérale et progressiste, et s'ils croient en la puissance, c'est comme moyen de faire avancer les principes d'une civilisation de liberté et d'un ordre du monde libéral. Les Américains partagent même les aspirations européennes à un système mondial plus ordonné, fondé non pas sur le jeu des puissances mais sur le règne d'un droit international, celui-là même qu'ils appelaient de leurs vœux quand l'Europe célébrait encore les lois de la Machtpolitik.

Les Européens prétendent souvent que les Américains ne sont pas raisonnables quand ils exigent une sécurité "parfaite", celle que leur a apportée pendant des siècles la barrière protectrice de deux océans. Les Européens assurent qu'ils savent, eux, vivre avec le danger et côtoyer le mal, car telle est leur histoire depuis toujours. D'où leur plus grande tolérance face aux menaces que peuvent représenter l'Irak de Saddam Hussein ou l'Iran des ayatollahs. Selon eux, les Américains exagèrent le danger que ces régimes représenteraient. Même avant le 11 septembre, l'argument sonnait assez creux. Dans les premières décennies de leur existence, les Etats-Unis ont connu l'insécurité, entourés qu'ils étaient par des puissances européennes hostiles, et constamment menacés de voir l'Union éclater sous le choc de forces centrifuges encouragées de l'extérieur : l'état d'insécurité de la nation est au cœur du discours d'adieu de George Washington. Quant à la prétendue tolérance européenne face à l'insécurité et au mal, on ne saurait la surestimer. Longtemps, l'Europe catholique et l'Europe protestante ont préféré s'entretuer que se tolérer, et les deux derniers siècles n'ont pas été marqués par une grande tolérance mutuelle entre Français et Allemands. (...) Une fois encore, on expliquera beaucoup mieux par la relative faiblesse de l'Europe sa plus grande tolérance de la menace extérieure. Et cette tolérance est une politique très réaliste, car l'Europe, en raison de sa faiblesse, est moins exposée aux menaces que la très puissante Amérique. (...) C'est cette réaction psychologique parfaitement normale qui est en train de brouiller les Etats-Unis et l'Europe. Cette dernière a conclu, assez raisonnablement, que la menace incarnée par Saddam Hussein est plus tolérable pour elle que le risque de renverser son régime par la force. En revanche, dans le cas de l'Amérique, parce qu'elle est plus forte, le seuil de tolérance face à Saddam et à son dangereux arsenal est, non moins raisonnablement, plus bas, surtout après le 11 septembre. (...) Les Américains peuvent envisager une invasion réussie de l'Irak qui renverserait Saddam Hussein, ce qui explique que 70 % d'entre eux soient apparemment favorables à une telle entreprise. On ne sera pas surpris d'apprendre que les Européens trouvent un tel projet à la fois inimaginable et effrayant.

L'incapacité à répondre aux menaces ne débouche pas seulement sur la tolérance mais parfois aussi sur la dénégation : il est normal de tenter de chasser de son esprit ce contre quoi l'on ne peut rien faire. Selon un bon observateur de l'opinion européenne, c'est sur l'idée même de menace que s'opposent souvent les gouvernements de part et d'autre de l'Atlantique : Washington, nous dit Steven Everts, parle de "menaces" étrangères telles que la prolifération d'armements nucléaires, le terrorisme et les "Etats voyous" ; mais les dirigeants Européens voient surtout des "problèmes", tels que les conflits interethniques, les mouvements migratoires, le crime organisé, la pauvreté et la dégradation de l'environnement. Comme le fait remarquer Everts, la différence fondamentale tient pourtant moins à une question de culture et de philosophie que de capacité à agir. (...) Néanmoins, ces divergences dans la perception de la menace ne relèvent pas seulement de la psychologie. Elles sont également fonction d'une réalité pratique qui, elle aussi, est une conséquence de la disparité des forces : il est incontestable, objectivement, que l'Irak et les autres "Etats voyous" ne représentent pas le même niveau de menace pour l'Europe et pour l'Amérique. Pour commencer, il faut prendre en compte le fait que les Américains garantissent la sécurité de l'Europe depuis soixante ans, et qu'ils ont pris pour eux le fardeau de maintenir l'ordre dans ces régions éloignées du monde, de la Corée au golfe Persique, dont les puissances européennes se sont en grande partie retirées. Les Européens considèrent le plus souvent, qu'ils l'admettent clairement ou non, que si l'Irak devait soudain devenir une menace réelle, et non plus seulement potentielle, les Etats-Unis interviendraient, comme ils l'ont fait en 1991. (...) Quand on regarde les choses au niveau le plus pragmatique, c'est- à-dire quand il s'agit de planifier véritablement une stratégie, ni l'Irak, ni la Corée du Nord, ni aucun autre "Etat voyou" n'est avant tout un problème pour l'Europe. La tâche de contenir Saddam Hussein revient avant tout aux Etats-Unis, et non à l'Europe : tout le monde est d'accord sur ce point, y compris Saddam Hussein lui-même. (...)

Robert Kagan, ancien haut fonctionnaire du département d'Etat américain, est chercheur au Carnegie Endowment for International Peace. Cet article, dont nous publions des extraits, est paru dans le no 113 de Policy Review. Il sera publié intégralement dans le numéro de rentrée de la revue Commentaire.

Traduit de l'anglais par Jean-Pierre Bardos.